Réhabilitons les émotions!

Parce que les émotions sont au coeur de toute relation, on me propose souvent d’animer des ateliers qui concernent le monde émotionnel. Les termes que l’on m’invite à employer pour définir ces ateliers vont de « gestion » à « dépassement » en passant par « contrôle ». 

Cela donne une bonne idée de la façon de la manière dont on souhaite s’occuper du monde émotionnel. On ne veut surtout pas qu’il nous déborde. On est d’accord pour ressentir des émotions « positives » mais pas les « négatives ». On croit qu’être adulte, être responsable et sain d’esprit implique de garder ses émotions sous contrôle et de ne jamais leur laisser le pouvoir. 

Cela fait de nous, des hommes et des femmes appliqués à ne rien laisser voir hors des cadres et des limites que chacun s’est fixé. Pour cela, nous devons nous assurer que nos émotions ne se voient pas ou qu’elles restent circonscrites. Et, le plus souvent nous le faisons sans même y prêter attention, par habitude. 

Nous nous demandons alors pourquoi notre vie manque d’intensité, pourquoi nous sommes hypersensibles, pourquoi nous avons du mal à communiquer, pourquoi nous nous faisons surprendre par nous-même, pourquoi nous avons l’impression de tourner en rond?

Boite d'oeufs qui ont des visages dessinés qui expriment des émotions.

Je ne m’exclue nullement de ce constat. J’ai utilisé plusieurs stratégies différentes au cours de ma vie pour éviter de ressentir (ce qui faisait mal) et refouler ce que je voulais pas. J’en étais arrivée à un point où mes dénis émotionnels étaient tellement énormes que je ne les voyais même plus. Je me croyais sincèrement dénuée de peur, de colère, d’agressivité, de rancoeur, de frustration, et j’en passe. 

Ce n’est que parce que je suis tombée malade que je me suis donnée l’opportunité de revoir mon monde émotionnel. J’ai la sensation d’avoir fait une rééducation. J’ai appris à considérer les émotions autrement que comme des enfantillages ou des nuisances pour moi-même et pour les autres. 

Depuis, il m’importe de réhabiliter les émotions, pour moi-même et pour les autres. Je mesure chaque jour la façon dont ma vie est plus douce quand je fais de la place à mes émotions. Elles sont parfois inconfortables, parfois même douloureuses mais jamais autant que lorsque je cherchais à les éviter. 

J’ai donc à coeur de vous proposer plusieurs points importants qui invitent à réhabiliter les émotions:

Les émotions font de ma vie ce qu’elle est.

Ce qui fait que mon expérience de vie est la mienne, c’est ce qu’elle me permet d’éprouver. Je ne ferais jamais l’expérience d’être une chaise. Je ferais l’expérience unique de m’y asseoir, de la toucher, d’en sentir l’odeur. Et ces sensations seront particulières pour moi parce que personne d’autre ne sentira les choses exactement de la même façon que moi. 

Je suis seule à ressentir ce que je ressens. 

Mon expérience est unique. L’expérience de l’autre est unique également. Reconnaître que nos expériences peuvent être similaires mais jamais identiques, nous permet d’apprécier notre unicité et nous invite à lâcher nos suppositions sur ce qui se passe pour les autres. Nous pouvons alors entrer dans un dialogue plus franc et plus enrichissant. 

Je remarque que, dans les couples en particulier, la plupart des disputes se posent sur des interprétations de ce que l’autre pense, croit ou ressent. 

Mes émotions ne parlent que de moi

Si je veux retrouver du pouvoir dans ma vie, je ne peux plus considérer que les autres ou les circonstances sont responsables de mes émotions. Tant qu’ils en sont responsables, je suis victime et je n’ai pas de pouvoir. 

Parce que mes émotions sont en lien avec la personne unique que je suis, lorsqu’elles se présentent, cela implique qu’elles sont en lien avec moi et personne d’autre. Dans un situation particulière, je vais ressentir un sentiment A, quelqu’un d’autre ressentira un sentiment B. Si je crois qu’une situation vécue par plusieurs personnes doit engendrer les mêmes émotions pour chacune d’elles, je m’approche dangereusement du populisme. Je crois que mon émotion est la seule adaptée à avoir et je demande à tout le monde de s’indigner en choeur avec moi.

Mais non, cette émotion n’est jamais que mon unique et particulière émotion.  Elle me permet donc de rester en contact avec moi-même à travers ce qui me touche et qui a donc de la valeur à mes yeux.

Mes émotions sont des chemins thérapeutiques 

Il est de plus en plus courant d’entendre que nos émotions nous guérissent et c’est tant mieux. Le postulat est le suivant: la vie nous propose des scènes qui vont faire naître des émotions chez nous et c’est en vivant ces émotions, en se laissant traverser, que nous libérons des circuits énergétiques encombrés voire obstrués. Les répétitions dans nos vies ne sont donc ni une punition, ni un manque de compréhension ou de conscience mais simplement des occasions de ressentir des paquets émotionnels que nous n’avions pas les moyens de ressentir avant. 

Se laisser traverser une fois, deux fois, dix fois par la même émotion nous permet de purger en quelque sorte l’accumulation émotionnelle qui stagnait quelque part en nous. 

Les émotions n’ont pas toujours d’explication

Il y a des circonstances qui relient l’émotion à une situation particulière de manière claire. Mais il existe aussi des moments où l’on peut être traversé par une émotion sans que l’on est aucune idée de la raison de sa présence. Ces vagues émotionnelles là prennent leur naissance très très loin dans notre histoire personnelle voire dans notre histoire transgénérationnelle. Elles nous déstabilisent parce qu’on ne comprend pas pourquoi ce fond de tristesse dans un moment de vacances en famille où tout se passe bien, par exemple. Les émotions n’ont pas besoin d’être comprises, elles ont besoin d’être vécues. Nous devons nous rappeler que rien ne nous demande de comprendre, juste de ressentir. 

L’émotion face aux autres

En ce qui concerne les autres, en apprenant à accueillir mes émotions et à me détendre avec le fait même qu’elles soient présentes, on se détend aussi avec l’idée de les exprimer. Ce qui faisait qu’on n’ose pas ou peu exprimer nos émotions, en dehors du fait qu’il faut pour cela les reconnaitre, c’est que l’on a tendance à s’inquiéter de la façon dont elles vont être reçues par les autres. La plupart des personnes que j’accompagne me confie qu’elles ne veulent pas que l’autre se sentent mal si elles expriment leurs émotions. Mais ce que je remarque c’est que l’on a tendance à croire que nos émotions vont forcément faire porter une responsabilité à l’autre et que si nous ne savons pas accueillir nos émotions pour nous-même, nous n’avons aucune raison de penser que l’autre sera le faire!

En apprenant à reconnaitre leur place et leur valeur, la question dont les autres pourraient les juger ne se posent plus. Même si elles étaient dénigrées, nous aurions les moyens de prendre soin de ce que cela nous fait. 

Le trésor caché derrière l’émotion

En exprimant mes émotions de manière directe et franche, j’offre aussi à l’autre l’occasion d’exprimer les siennes de la même façon. Je lui fais le cadeau de me voir telle que je suis dans ce que j’ai de plus unique et particulier, puisque les émotions ne parlent que de moi. Et, je prends ce qu’il exprime comme le cadeau de son unicité et de sa particularité en le prenant tel qu’il est. 

Il me semble que cela se rapproche drôlement d’une forme d’amour dont les êtres humains ont tellement soif. Etre vu, être entendu, être apprécié pour ce que nous sommes, tels que nous sommes dans nos petitesses comme nos grandeurs. Et, je ne vois pas comment nous pourrions nous offrir cet amour sans que nos émotions soient au coeur du cadeau. 

Retrouver notre capacité d’accueil et de se laisser traverser par nos émotions est un pilier de mes ateliers et accompagnements.

En bonus, un merci à Et tout le monde s’en fout, pour ce rappel des fondamentaux en ce qui concerne les émotions.

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